(Le paradis,
c’est juste après le feu, à gauche)
AGENDA
Pendant que le reste du monde
planche sur la crise – une légion de cancres laborieux et stériles qui ne
réussissent qu’à plonger Wall Street dans le blues - en France, on a du travail.
On va abolir la nature humaine.
Deux muses éclairent la voie :
l’une à la Justice, radieuse comme un astre. L’autre au Droit des Femmes, grave comme un prophète.
Le gouvernement bosse ardemment,
sous le bon sourire de Lui Président.
Il s’agit de mettre la planète en
ordre – les banquises au freezer, la finance sur le gril, les chefs d’état au pas, le sexe dans
les slips.
Bientôt, on se retrouvera tous en
bermudas dans le Jardin de l’Eden, sous le sourire lumineux de Devinez Qui.
ÉVOLUTION
Nous sommes au 21ème siècle. Le ridicule ne tue plus. Il épanouit – jusqu’à l’obésité
intellectuelle.
THE SOUND OF MUSIC
Le printemps arabe poursuit son éclosion. Tout le monde est en fleurs et en
félicitations. J’ai l’impression
d’entendre du Vivaldi.
FATUM
Je parlais avec Martine – une brillante, une redoutable, qui a
vécu plusieurs vies violentes.
Dont une au moyen âge, devant Saint Jean d’Acre, où elle hachait
les infidèles en rondelles.
Elle disait : « Fatum – tu sais, le destin… Je
suis fataliste. »
Elle l’a dit avec un sourire dans la voix – comme les gens que
la fatalité repose.
Je n’étais pas d’accord.
Il y a un fatalisme agréable et pratique, qui consiste à voyager léger
dans la vie, débarrassé de toute responsabilité de soi. C’était écrit – on sait pas où, peut-être dans le sable ou
dans les nuages. En tout cas, on a
une feuille de route - que l’on n’a même pas besoin de lire.
Et il y a un fatalisme fervent, qui est presque celui de la foi.
Ces fatalistes-là avancent seuls, contre vents et marées, avec une bravoure de
templiers.
Ce qui flambe en eux, c’est le respect du destin.
Martine est de ceux-là.
A la fin, il faut rendre à César ce qui lui appartient. Même si, depuis le 6 mai, il est
recommandé de faire le contraire.
LE RÊVE FRANÇAIS
Les américains retardent, avec leur amour du succès. En France, on ne perd pas de
temps. Lui Président s’est
occupé de « réenchanter » les choses.
Le rêve français, dûment ciré et emballé, vient d’entrer au
musée Grévin, avec une étiquette flamboyante : Réussite Interdite (sous peine de crachats, de fisc et
d’exil).
LES FOULES
Que ce soit place Tahrir ou place de la Bastille le 6 mai - des
visions inouïes de foules déferlent sur les écrans. Des tsunamis humains qui se coagulent en nappes pulsantes
ou grondantes aux quatre coins de la terre.
J’ai le souffle coupé. Je traduis : des trillions de
spermatozoïdes prêts à charger, des galaxies d’ovaires en pleine forme.
The clock is ticking.
Que va-t-il rester des arbres, des
poissons, du ciel ? Combien d’égorgés dans les assiettes ? Il n’y aura plus une touffe d’herbe
intacte. Plus une seconde de
silence nulle part. Même le vent
ne pourra plus traverser une rue.
La planète va pencher comme la tour
de Pise.