Verlaine, qui était en taule pour avoir agressé Rimbaud, regardait mélancoliquement par la fenêtre de sa cellule
il remarquait que le ciel était si bleu si calme et que la vie était là, simple et tranquille
ce n'est pas mon cas
je trouve la vie incompréhensible - et le ciel pollué
je ne comprends absolument pas que personne ne comprenne - entre autres - l'attraction du Jihad et qu'on se perde en conjectures sur des kilomètres de télé
enfin...
entre traîner devant des HLMs de banlieue, pointer en bâillant à Pôle Emploi, bouffer du shit payé avec un sac arraché de vieille dame, rôder au crépuscule à la recherche d'une voiture à cramer ou d'un ado à terroriser - et n'être personne jamais, nobody, no one, nulle part
entre étouffer de rage et de frustration, vociférer dans le vide, traîner perpétuellement avec son gang de nuls dans la périphérie de la vie, en attendant la prochaine manif, peu importe le prétexte, pour se cagouler - comme ces bourreaux excitants du Jihad qui ont le pouvoir de vie et de mort sur des êtres humains civilisés (ceux-là mêmes qui osent vivre quand les autres se font chier)
pour arborer une écharpe à carreaux noirs et blancs en l'honneur du Hamas qui, lui, sait foutre le feu au ciel et défoncer des vies (mort à ces salopards de n'importe qui et de juifs pour commencer)
et une fois équipé, se défouler en massacrant des vitrines, en pillant tout sur son passage et - oh, joie si rare dans une vie si terne - en se flambant un flic ou deux au cocktail Molotov
et puis... retomber dans le gris des jours, les horizons morts, les quartiers moches, deux ou trois rapines, les imprécations de routine, la brûlure de la rage, l'insignifiance - le vertige de n'être personne
entre ça
et débarquer en gladiateur, avec un nouveau Dieu dans sa poche, dans un jeu vidéo géant
vivre le couteau à la main comme un Dark Vador sous le drapeau noir qui terrorise la planète
et appartenir - être membre d'un clan lié par le noir et le sang, faire partie d'un groupe magique qui vous informe que vous n'êtes plus le minable en fin de droits de Pôle Emploi mais un guerrier de Dieu recruté par Dieu lui-même
avec licence, liberté, encouragement, reconnaissance, applaudissements, récompense de chaque meurtre (là où on se ferait mettre en garde à vue, traiter comme une ordure et fourrer en cage pour des dizaines d'années en France)
et assassiner jusqu'à plus soif, massacrer à la chaîne, égorger devant des caméras comme une star de Hollywood, sentir dans la paume de sa main le désespoir et la terreur de sa victime, savourer la vie qui coule sous son couteau et le goût de la mort
on peut toujours écumer les coins les plus pourris dans sa banlieue natale pour trouver le centième, le millième d'un tel magistral shoot d'adrénaline
tueries. carnage, jeux de quilles humains, selfies devant les fosses communes, viols à volonté - pas de pétasses qui la ramènent, mais des esclaves à peine pubères qu'on peut embrocher jusqu'aux sourcils, rosser ou mutiler selon son bon plaisir
être enfin - impérialement
exister par la mort des autres, par la souffrance infligée, par la distribution de l'horreur
guerroyer, comme au Moyen Âge, s'enivrer de jouer sa vie et s'empiffrer de meurtres
quand on n'est pas capable de vivre, on peut toujours tuer - il suffit que quelqu'un vous vende un prétexte
alors... analyser à perte de vue les raisons qui poussent des jeunes gens à s'enrôler dans le Jihad - autant débattre non-stop à l'heure des infos des raisons pour lesquelles il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade
au lieu de se demander interminablement pour quels motifs un "jeune" peut préférer être terrifiant, barbu et plein de sang, avec un Dieu dans son camp que vague, traînard, fauché, bâillant et insignifiant dans le no future de son quartier
alors oui - le ciel est par-dessus le toit, si cool, si sanglant
et le silence long des morts
et le bavardage infernal des vivants
blessent mon cœur
d'une stupéfaction monotone
24 novembre 2014