VACUUM
Je suis vide comme un
presse-papier
Ce qui prouve à quel point je
suis vide parce qu’un presse-papier, lui, l’est rarement. Il y a toujours une fleur ou une bulle dedans.
On va dire que je suis vide comme
la bulle dans le presse-papier.
Et là encore… J’ai entendu
l’autre jour que nous, humains (nous, bipèdes inhumains), étions constitués de
poussière d’étoile.
Alors, même la bulle est
probablement une sorte de gare Saint Lazare où se bousculent neutrons, protons
et gatecrashers quantiques.
Bon. On va dire que je suis vide today comme une gare sans
voyageurs – un faisceau de rails inhabités qui filent dans le silence. Pas un neutron à bord. Pas un proton à qui parler.
Je n’ai rien à dire. Ce qui signifie, évidemment, que j’ai
tout à dire. Comme le remarquait quelqu’un que j’ai connu : « trop
égale rien ». C’était un
genre de physicienne.
Hier, j’ai mis le nez sur mes
exaspérations, que je trouve suspectes.
Le sarcasme peut conduire loin – beaucoup trop près
de soi-même.
Danger.
THE QUEEN IN THE SKY
WITH DIAMONDS
J’ai raté toute l’ouverture des
J.O. Je suis d’une
intelligence sans limite pour rater les choses. Et d’une intelligence illégitime pour le reste.
J’ai juste vu, le lendemain,
entre deux couplets de news, the
Queen parachutée dans le noir, robe rose en zigzags, avant (ou après) le
déchaînement des concerts de lumière.
J’avais les larmes aux yeux
Je suis toujours émerveillée par
cette île inouïe, cette virgule sur l’eau, qui a mis les trois quarts de la
planète au pas, et dont la langue est le seul passeport au monde.
J’ai vu un jour un vieux film sur
Calcutta au début du siècle dernier. Immaculée. La Riviera.
Enfin, la Riviera du temps de Maugham. Hôtels et hommes en blancs, femmes
volantées, indiennes en spirales blanches. Calme, Espace. Véhicules insolites,
visages saisissants dans des rues fluides. Des quais idylliques le long du
fleuve…
Ce n’était pas le Calcutta de
Ghandi. C’était juste anglais.
Les anglais ont une relation
unique avec le réel. Il sont
capables d’un envol immédiat, fabuleux hors d’une situation. Ils décollent en flèche et
ré-atterrissent sur du velours.
Ils sont connus pour ces voltiges.
…Pour être des virtuoses de
l’humour.
Il faut beaucoup de courage,
d’élégance et de talent pour être vraiment extrêmement drôle. Il faut pouvoir rompre dans l’instant
avec le verbiage, le danger, la souffrance. C’est une forme d’aristocratie de l’esprit.
Si l’humour est un don, c’est un
don de bravoure.
J’ai été frappée par une remarque
de Danny Boyle - saisie au vol dans la messe des infos. Il disait, en substance, qu’il savait
qu’il ne pourrait jamais faire aussi grandiose que la Chine. Il conclut – et là, c’est l’art du
renversement britannique dans toute sa brièveté et sa splendeur – que ce
constat l’a « libéré », et qu’il allait pouvoir faire
« différent ».
On peut peut-être parler de « pensée latérale ». Mais, pour moi, c’est une réaction anglaise. Je connais peu de gens que leur
impuissance libère.
C’est pour ça que la reine en
rose lâchée dans le noir au bout d’un drapeau m’a mis les larmes aux yeux. C’était libre. Différent.
LES COHUES DU BONHEUR
Les officiants de la télé
éclosent en sourires. Ils sont un
peu mornes en Roumanie, plutôt graves en Syrie (théâtre insoutenable des
inhumains que nous sommes), et très posés dans l’inventaire des crimes, des
inondations et des plans sociaux.
Tout y passe, avec charme - la
BCE, les espagnols, la dernière de Moody’s & Fitch et même une image éclair
de Lui Président promenant son sacerdoce au milieu des populations émues.
Mais dès qu’on en vient au grand
sujet d’actualité – les vacances - les récitants des infos sont gais comme des
pinsons.
Hop. D’abord, la météo.
Entrée en scène des danseurs qui virevoltent devant leur carte de
France.
Il y a une telle gaieté dans
l’air qu’ils passeraient presque les nuages sous silence. Une éclaircie leur arrache pratiquement
un cri de ravissement. Il sont
d’une grande légèreté quand il pleut.
Et vous annoncent les orages avec un gracieux message de courage. Bref, pluvieux ou non, embouteillé ou
non, tout roule.
C’est l’avènement du druide
« bison futé » qui lit l’avenir des routes. Attentif à sa parole, le peuple des « vacanciers »
déferle vers les herbes, les coccinelles et le sable.
Gros plan sur un hôtelier joyeux
qui a rencontré le soleil.
Interview d’une vacancière, cheveux au vent, qui promène son petit
vacancier. Travellings insatiables
sur les plages.
Et là… Si Sherlock Holmes, descendait lui aussi des J.O. en
parachute, sa loupe à main, il chercherait inlassablement un centimètre carré
d’eau libre, où ne barbote pas un corps humain. Il ne pourrait pas mettre le nez dans le sable sans
rencontrer un pied, un sein, un bâillement ou un jus de fruit.
Il serait vaincu par le bonheur.
Paris Plage – rush hour sous les
douches, grappes humaines autour des glaciers. Sur les pelletées de sable
obligeamment fournies par un maire au grand cœur, des bras, des jambes, des ventres, des nez lunettés à perte
de vue. Et des imbroglios de cris
et de galops sur les gisants.
Je n’aime que l’espace, le temps,
la musique du vent. Et l’intimité
somptueuse de la mer.
Je suis perdue.