vendredi 26 décembre 2014

COURRIER POUR ALEXIS



Père Noël 
2512 - Îles Boréales                                                    

oh là là Alexis...
Michèle m'avait chargé d'un message pour toi, j'ai complément oublié
j'ai été tellement débordé, tu ne peux pas savoir
et je ne te raconte pas la tempête qu'on a eue cette nuit  - je ne peux même pas t'appeler ou t'envoyer un SMS, je ne sais plus où sont mes téléphones, ils ont disparu quelque part dans les piles de jouets et mes ordinateurs sont sous 10 mètres de neige
en plus, Jean-Bernard - c'est un de mes rennes, il est un peu fou fou - bref, il a mâché une de mes caméras comme du chewing gum - une GoPro, tu te rends compte?
enfin, j'ai quand même pu me débrouiller 
il passe des pigeons transatlantiques par ici - on les reconnaît parce qu'ils ont des glaçons sur le bec - je suis assez copain avec eux, je leur ai expliqué la situation
il y en a un qui a accepté de déposer un message pour toi sur Facebook

voilà: Michèle m'a chargé de te dire personnellement qu'elle aurait bien aimé te faire une bise sous le sapin de Noël et t'apporter un cadeau spécial (entre parenthèses, elle n'a pas précisé...) mais elle avait un train à prendre, elle n'a pas eu le temps
alors elle te donne rendez-vous en janvier
en attendant, elle t'envoie plein de bises

bon, là excuse, j'ai un planning pas possible 
passe une super année
et au prochain décembre 





mardi 23 décembre 2014

BRAVE HEARTS


I heard this morning that young jihadists retuning to their home country should be welcomed with love and tenderness and given the opportunity live happily ever after (the couple of beheadings or misguided slaughtering they may have committed here and there in their past fading into something like sporting memories?)

most voices are more severe - nevertheless the benevolence of Europe towards anything related to Islam, wether peaceful or deviant, knows no limits
as a thunderously Islamist and very stern neighbour of Israel, Hamas is brilliantly qualified to command the respect of Europe, it has so many assets: its high minded treatment of the living, its photogenic handling of the dead, its genius for raining rockets from an otherwise sunny sky, its growing crowds of admirers (and copy cats) in the French suburbs 

it's become traditional in Paris to celebrate the end of Ramadan while in some other French towns les crèches de Noël - nativity scenes - in public places have been banned, in order not to ruffle the sensitivity of the Muslim community (the pretext being an outcry for "laïcité" - how can one violate the holiness of secularism??)

being outraged at Israel is the sign of a generous and noble heart - it is a virtue which can freely manifest itself as nausea and hate: for there is a limit to what one can bear, faced with the abominations of Israel
there is even an intellectual elite among Israel haters - enlightened minds who love a Jew they can crush to pieces in a TV debate for not hating Israel 

so
Netanyahu can ask the French president to wake up (from his 30 months nap) and do something to halt the UN initiative on a Palestinian state 
and Netanyahu can demand from Europe that Hamas be reinstated as a terrorist organisation
hello
ask away
and wither waiting 






lundi 22 décembre 2014

DÉSARROI

 
juillet

je suis tellement sonnée par cette guerre, je ne sais plus que je fais - je poste, je dé-poste, je lis, je bouillonne, j'ai toutes les explications possibles et imaginables,  je connais le Hamas et son organisation de la mort sur le bout des doigts, je ne comprends plus cette mare de sang qui s'élargit à Gaza, chaque soldat israélien qui meurt m'étouffe le cœur, je ne sais plus pourquoi Israël a toujours besoin de se battre pour ne pas se laisser rayer de la carte - et je le sais trop bien, je vois béer en France une soif hallucinante de lynchage des juifs et je sais exactement de quel néant elle surgit - et je ne comprends plus comment je supporte ce que je sais

à l'ONU siègent les plus grands meurtriers du globe drapés dans la Défense des Droits de l'Homme, ils sont solennels et unanimes: Israël au bûcher pour crimes de guerre - pour crime de vivre

et je me dis que c'est la routine, que le grotesque règne - la France est régie par une pantomime, on pend en Iran, on massacre en Iraq, en Syrie on patauge dans des milliers cadavres - je sens Israël ramassé, frémissant comme un fauve cerné, je sais qu'Israël se battra à mort, je vois vibrer autour de la planète le lien extraordinaire, indestructible qui unit le peuple juif - et ce lien m'attrape au vol, m'enlace à chaque pas que je fais, je ne suis plus propriétaire de moi

je sais qu'il nous a fallu près de de 6000 ans pour perdre patience, que c'est arrivé, que c'est irréversible - pourquoi est-ce que j'en sais trop, comme si un coursier venu du Jardin de l'Eden m'avait remis en mains propres le programme du futur?  tout me saute au visage, des évidences irrespirables

et j'écris, je barre, je poste, je vire, je cours au Doliprane,  je me fais la morale,  je mange mes cigarettes en sandwich, je m'insulte, je me ris au nez 

puis je trébuche dans une vidéo, j'entends quelqu'un s'exaspérer du sempiternel traitement réservé à Israël et je m'aperçois que je suis soudain en larmes

je ne suis plus équipée pour entendre quelqu'un nous aimer





dimanche 14 décembre 2014

APPARITION



14 décembre - 11 heures
je ne sais pas où fuir pour ne pas faire ce que j'ai à faire
je traîne provisoirement devant BFM TV -  il est question de nouveaux radars double face avec déclics photo implacables sur l'avant et l'arrière des voitures

interviews d'automobilistes, votre réaction? qu'est-ce que vous en pensez ?
gros plans sur des visages de conducteurs, nez levés, vitres de voiture baissées, regards j'en-ai-marre-je-m'en fous, ronrons neutres: oui-bon-bof, ça-fait-beaucoup, code de la route, dura lex...

à ce stade j'ai glissé dans un état comateux, je n'entends même plus hurler mon agenda sur le bureau - c'est quelque chose comme la félicité de l'ennui parfait

interview suivante, même regard sans horizon, même ronron, 3 clichés marmonnés
séisme 
je tombe du divan, les yeux immenses
je ne rêve pas
celui-là porte un bonnet noir enfoncé jusqu'aux tempes et une écharpe à franges, carrelée noire et blanche style Hamas-Jihad, enroulée en tourbillon sous le menton

c'est comme un vertige
où est son drapeau noir? sa Kalashnikov? où est le cadavre qui a roulé contre sa pédale d'accélérateur? qu'est-ce qu'il a fait de sa collection de têtes sur la banquette arrière? pourquoi on ne l'entend pas vocaliser "mort aux juifs"??

mais on est déjà passé à François Hollande en pleine présidence visionnaire, blouse blanche et regard pensif, flânant entre des haies de cadavres de bœufs  
je suis hallucinée
j'ai vu passer un automobiliste comme les autres
dans la tenue normale du terroriste qui s'assume
avec un regard sur les radars
et un "bof" à lâcher dans un micro télé 

un citoyen 




dimanche 7 décembre 2014

HAUTE MER


si je m'assieds au bord de la salle de bain
je n'ose pas penser à ce qui pourrait s'échouer
dans un porte-savon
ici la banquise s'évanouit jusque sur les tapis
et le Titanic heurte régulièrement un glaçon
avant de sombrer dans mon scotch

mayday





QUAND MÊME


on est des poètes

on s'est trouvé un père en plein ciel, on a ouvert une mer comme une grenade, effondré un mur en 3 notes de jazz, dialogué avec une montagne, chanté, créé, écrit contre vents et marées - dans le ravissement ininterrompu de cette voix qui nous tombait des nuages

(et qui nous a pas mal étourdis)

on est des vétérans de l'enfer

on a traversé l'Histoire - et sa gueule béante de crocodile - comme des acrobates, faufilés de stetls en Judenstrasse, voûtés, discrets, terrifiés, indomptables, avec des violons magiciens et des sourires iconoclastes

on a même émergé, frissonnants, blancs comme des nénuphars - et invaincus - des eaux sanglantes de la Shoah 

on est des athlètes 






lundi 24 novembre 2014

JIHADI JOHN - November



   Verlaine, qui était en taule pour avoir agressé Rimbaud, regardait mélancoliquement par la fenêtre de sa cellule
   il remarquait que le ciel était si bleu si calme et que la vie était là, simple et tranquille

   ce n'est pas mon cas
je trouve la vie incompréhensible - et le ciel pollué

   je ne comprends absolument pas que personne ne comprenne - entre autres - l'attraction du Jihad et qu'on se perde en conjectures sur des kilomètres de télé 

   enfin...
entre traîner devant des HLMs de banlieue, pointer en bâillant à Pôle Emploi, bouffer du shit payé avec un sac arraché de vieille dame, rôder au crépuscule à la recherche d'une voiture à cramer ou d'un ado à terroriser - et n'être personne jamais, nobody, no one, nulle part

   entre étouffer de rage et de frustration, vociférer dans le vide, traîner perpétuellement avec son gang de nuls dans la périphérie de la vie, en attendant la prochaine manif, peu importe le prétexte, pour se cagouler - comme ces bourreaux excitants du Jihad qui ont le pouvoir de vie et de mort sur des êtres humains civilisés (ceux-là mêmes qui osent vivre quand les autres se font chier)

   pour arborer une écharpe à carreaux noirs et blancs en l'honneur du Hamas qui, lui, sait foutre le feu au ciel et défoncer des vies (mort à ces salopards de n'importe qui et de juifs pour commencer)

   et une fois équipé, se défouler en massacrant des vitrines, en pillant tout sur son passage et - oh, joie si rare dans une vie si terne - en se flambant un flic ou deux au cocktail Molotov

   et puis... retomber dans le gris des jours, les horizons morts, les quartiers moches, deux ou trois rapines, les imprécations de routine, la brûlure de la rage, l'insignifiance - le vertige de n'être personne 

   entre ça
et débarquer en gladiateur, avec un nouveau Dieu dans sa poche, dans un jeu vidéo géant
   vivre le couteau à la main comme un Dark Vador sous le drapeau noir qui terrorise la planète  

   et appartenir - être membre d'un clan lié par le noir et le sang, faire partie d'un groupe magique qui vous informe que vous n'êtes plus le minable en fin de droits de Pôle Emploi mais un guerrier de Dieu recruté par Dieu lui-même

   avec licence, liberté, encouragement, reconnaissance, applaudissements, récompense de chaque meurtre (là où on se ferait mettre en garde à vue, traiter comme une ordure et fourrer en cage pour des dizaines d'années en France)

   et assassiner jusqu'à plus soif, massacrer à la chaîne, égorger devant des caméras comme une star de Hollywood, sentir dans la paume de sa main le désespoir et la terreur de sa victime, savourer  la vie qui coule sous son couteau et le goût de la mort

   on peut toujours écumer les coins les plus pourris dans sa banlieue natale pour trouver le centième, le millième d'un tel magistral shoot d'adrénaline

   tueries. carnage, jeux de quilles humains, selfies devant les fosses communes, viols à volonté - pas de pétasses qui la ramènent, mais des esclaves à peine pubères qu'on peut embrocher jusqu'aux sourcils, rosser ou mutiler selon son bon plaisir

   être enfin - impérialement
exister par la mort des autres, par la souffrance infligée, par la distribution de l'horreur
   guerroyer, comme au Moyen Âge, s'enivrer de jouer sa vie et s'empiffrer de meurtres 

   quand on n'est pas capable de vivre, on peut toujours tuer - il suffit que quelqu'un vous vende un prétexte

   alors... analyser à perte de vue les raisons qui poussent des jeunes gens à s'enrôler dans le Jihad - autant débattre non-stop à l'heure des infos des raisons pour lesquelles il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade

   au lieu de se demander interminablement pour quels motifs un "jeune" peut préférer être terrifiant, barbu et plein de sang, avec un Dieu dans son camp que vague, traînard, fauché, bâillant et insignifiant dans le no future de son quartier

   alors oui - le ciel est par-dessus le toit, si cool, si sanglant

   et le silence long des morts
et le bavardage infernal des vivants
blessent mon cœur
d'une stupéfaction monotone 





24 novembre 2014

samedi 22 novembre 2014

INCOMMUNICABILITÉ


au fond, j'ai une âme d'astronaute

je fais tout le temps des trucs dans le vide - quand j'ai vu Gravity, j'étais dans ma patrie, entre noir sidéral, étoiles et vertige

je spirale dans l'espace, je valse dans la poussière du temps - j'ai un deal avec le destin

je réalise maintenant au bout d'une vie de perplexité, que dès j'ouvre la bouche, je parle latin

ou précolombien, ou extraterrestre - je vois des zébrures dans les yeux des gens

si j'émettais des pixels ou des ronds de fumée, ou des idéogrammes du XVIe siècle japonais, ou peut être des chiffres binaires, ou trois spirales d'ADN avec des boules clignotantes

je serais mieux comprise 

alors évidemment, quand on me répond, ça tombe à côté - plouf, crash, flop - j'ai l'impression qu'on me tend des vieux tickets de bus ou des papiers froissés, ou un morceau d'horoscope

et comme tous les gens perdus, je cherche désespérément un traducteur du regard 

mais il n'y a pas un chat, il n'y a pas une ombre, pas un fantôme, pas un archéologue, pas un pilote de vaisseau spatial qui parle ma langue




vendredi 21 novembre 2014

CERISES


là, ça y est
j'ai fait comme Alexis Zorba avec les cerises
Il n'en pouvait plus de son addiction aux cerises
alors, un jour il s'est assis sur le bord de la route et il en a mangé des paniers entiers

après quoi il a été si violemment malade que, depuis ce jour-là, il lui a suffi de voir une cerise pour tourner de l'œil

là, depuis hier, j'ai mangé, gobé, bâfré, fumé du Facebook 

effectivement, je me sens bizarre

j'attends avec espoir le jour où la vue d'un F me fera tourner de l'œil




LES HERBES AMÈRES


il y a une sorte de désespérante courtoisie juive qui consiste à croire en la bonté fondamentale de ceux qui nous agressent - comme si leur haine était un aveuglement passager - ce qui a conduit à l'évaporation en fumée de 6 millions d'entre nous

il ne peut plus y avoir de Shoah dans ce monde qui palpite au rythme de Facebook et de Twitter (je clicke, donc je suis) - en revanche....  c'est comme le dioxyde de carbone qui se répand dans l'atmosphère: la pollution psychologique envahit tout

il y a dans l'air une une émission quotidienne, ininterrompue d'antisémitisme sous toutes les formes, toutes les étiquettes et tous les déguisements possibles et imaginables - du boycottage éhonté, vendu comme un acte noble, en passant par l'"humour" de Dieudonné, lequel a prospéré 10 ans sans qu'on entende quelqu'un tousser

...jusqu'au carnage de Toulouse ou au massacre de Bruxelles qui confèrent à l'assassin une dimension de héros de BD  - il devient un  "loup solitaire", une silhouette noire de guerrier campé sous la lune, portant sa kalachnikov comme une épée de Star Wars

en fond musical résonne l'appel du jihad, plus enivrant que tous les parfums de l'Arabie dont rêvait sombrement Lady Macbeth - shoot à l'adrénaline à volonté, extase de vivre dans un jeu vidéo géant - avec, en prime, Israël à portée de bombe

cerise sur ce gâteau vieux comme le monde, l'antisémitisme a un magnifique label marketing pour se justifier: Israël, muse des médias, source des perpétuelles lamentations de presse sur l'ignominie des "colons" juifs et le "génocide" perpétré par les criminels de Tsahal

Israël... un pays de juifs debout, armés et peu impressionnables - le pays de l'impensable: comment un juif ose-t-il défendre un un droit de vivre que personne ne lui a accordé?

on veut bien aimer les juifs, mais on les aime polis: recroquevillés dans leur coin, 3 larmes à l'œil, mendiant un sourire de clémence - et discrets en cas de lynchage


c'est tellement usé, harassant, répétitif, increvable, imbécile et meurtrier

rien ne change - on ne peut plus rester courtois, c'est à nous de cesser d'attendre, de cesser d'espérer ce qui ne vient jamais et de déplorer ce qui arrive toujours - c'est à nous de changer

d'attitude ou de décor 



RELATIONS


Je suis amie avec un fantôme,  que je vois de loin quand je traverse la passerelle. Il flâne généralement sur l'autre pont. Il se penche, il regarde le fleuve. 

Je ne sais pas s'il a un IPhone  mais il m'envoie souvent des messages.
Étrangement, je les reçois dans l'oreille.  Probablement parce que nous sommes intimes - malgré la différence de ponts. 

Aujourd'hui, il m'a parlé des requins.  
Il m'a dit que c'était des animaux brillants, rapides - qu'ils ne passaient pas leur temps à ruminer des griefs parce qu'une vieille tortue de mer ou un yacht leur avaient pollué le passage.
J'ai vaguement murmuré une objection : 

"Pourtant, ils sont considérés comme des "prédateurs..." (pas par moi, qui ai une tendresse pour le monde animal) - mais, bon...  D'une manière générale ?"

De loin, je suis sûre que je l'ai vu sourire, accoudé sur le rebord du pont.  J'ai entendu :

"Ils sont exemplaires. Ils accomplissent leur destin de requins... On ne peut pas en dire autant des milliards de bavards qui stagnent sur cette planète, englués dans leur routine - sans grâce, sans mouvement, le nez vissé sur un écran,  l'obsession et la peur de vivre au ventre..."

Je n'ai rien répondu.  En tant qu'échantillon humain extrêmement englué dans ma routine, je ne pouvais pas discuter. 
Pensif, il a poursuivi :

 "Parfois, on les attrape, on leur coupe les ailerons pour les vendre à des gourmets cannibales, puis on les rejette à l'eau - où ils meurent interminablement. It's a sin..."

Mon fantôme parle plusieurs langues.  Moi aussi.  J'ai compris, mais je ne voyais pas où il voulait en venir.
J'ai allumé une cigarette.  J'arrivais au bout de la passerelle. Après, sur le quai, je le perds de vue.  J'ai demandé : 

"Et...  Il y a une conclusion à cette histoire ?"

Il était très mystérieux.  Il a prononcé, comme s'il n'avait pas entendu ma question et poursuivait le cours de sa pensée:

"En fait, le péché, c'est de se laisser attraper.  C'est tellement plus facile. Quand on a les ailes coupées, on n'a plus besoin d'accomplir son destin..."

Je me suis accoudée un instant sur la balustrade tanguante de la passerelle pour finir ma cigarette et avoir le fin mot de l'histoire. Les gens me regardaient.  Ils ont l'habitude de passer comme des zombies sur les ponts, dans les rues, l'oeil sur une vague urgence. Quelqu'un qui s'arrête est suspect.

Avec l'air de contempler l'eau bourbeuse en bas et le cygne dessus, en lunettes de soleil par temps gris et en pratique audacieuse de cigarette, je contrevenais à tous les usages.
J'attendais. J'ai encouragé mon fantôme (en remarquant pour la énième fois how extraordinarily good looking he is) : 

"Et... ?"

Il avait l'air d'écouter le fleuve.  
Le cygne, qui faisait son shopping sur l'eau entre les branches d'arbres morts et les escadrilles de canards, s'était rapproché de son pont.  Lui l'observait. Il lui a confié : 

"Mutiler un requin, c'est un péché. Mais le malheureux requin, lui, n'y peut rien.  il a manqué de chance, il s'est fait crucifier.  Il n'a que les humains, qui se laissent attraper..."

Apparemment, le cygne était d'accord.  Il croisait le long d'une péniche.  Il a arqué son long cou et plongé son bec orange dans l'eau, pour attraper Dieu sait quelle vieille miette de pain. Pour lui, le sujet était clos.

Pas pour moi.  J'ai jeté ma cigarette sur un remous d'algues pourries. J'ai repris ma traversée de la passerelle - très lentement.  Dans quelques pas, j'étais sur le quai. Et, sur le quai, je ne vois plus mon fantôme.
J'ai interrogé, de la façon la plus discrète possible (il ne me manquait plus que d'avoir l'air de monologuer) :

"Alors ? Conclusion ??"

Lui s'estompait déjà, sur l'autre pont.  Il semblait se fondre dans le panorama de nuages - se téléporter ailleurs, tout en désintégration  brillante, comme un héros de Star Trek. Il m'a lancé, de très, très loin :

"Et ça, c'est impitoyable... That is such a sin.  Such a merciless way to go..."

J'étais sur le quai. 
Toute la journée, j'ai été bizarrement émue.
Je suppose que c'était à cause des requins.