samedi 20 septembre 2014

BLACK SHEEP


je ne sais pas pourquoi j'évolue sur Facebook comme une sombre, sardonique pythie enchevêtrée de politique et d'amertume

j'essaie de m'éloigner, mais je trébuche régulièrement, je crépite toute seule d'exaspération, je finis par virer le lendemain, avec un haut le cœur, ce que j'ai posté la veille

en fait, je crois toujours que je vais faire un pas tangué, original, qui sera remarqué - et je m'affale 

pourtant, you would not believe it, je suis capable de m'ébouriffer comme un oiseau dans le vent et je suis très très drôle

sauf que - les chats qui courent dans des tuyaux et les bébés qui dansent le flamenco sur YouTube me plongent dans un coma immédiat - je suis un black sheep 

impossible de rire sur un claquement d'image, j'ai l'humour imprudent, imprévisible, vite déchaîné, à contretemps

je ne sais pas pourquoi je cours encore m'agiter dans le vacarme de Facebook, mouton noir piteusement déguisé en blanc bouclé - ivre d'une ironie, d'une lucidité, d'un mépris dévastateurs de mes gestes et de mes mots

je finis par m'extraire, après un assassinat en règle d'une journée, avec une nausée qui me monte jusqu'aux tempes

je perds un temps fou, parce que chaque fois que je veux dire quelque chose, j'ai des galaxies dans la gorge - 300 millions de mots, de visions, de directions, d'idées incendiaires, d'exécutions de phrases à feu nourri et d'éclosions ininterrompues - comme là, maintenant, où je suis obligée de m'arc-bouter, de me brider au sang comme un cheval fou pour ne pas décoller dans l'espace au milieu des planètes 

bref 

je ne sais pas pourquoi j'essaie imbécilement de me mêler à ce chahut planétaire de news, de posts, de liens, de likes et de commentaires - pourquoi je me divise en 4 morceaux parfaitement inassimilables pour avoir l'air-de, pour ressembler (hello everyone, je suis là, je suis bizarre, vivante, je suis intéressante, acceptez-moi...)

je tente de m'assembler pour ressembler, et je dissemble sur-le-champ

je dis que je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais c'est parce que je suis polie

je ne sais pas pourquoi, mais je sais

c'est la famine

cette faim d'être vu, reconnu, entendu, applaudi, aimé qui ronge les 7 milliards de plus ou moins humains sur la Terre

au fond, black sheep ou non, je suis exactement comme ces gens que je croise partout, soudés à leur portable, le nez verrouillé, les yeux fixes et les doigts en fièvre - en état de famine

ils attendent ce qui ne viendra jamais, ce qui se conquiert uniquement quand on n'attend pas, même pas une minute

quand on écoute un destin et rien ni personne d'autre
quand on se rend au mystère et non à l'évidence
quand on a l'extraordinaire bravoure de se risquer à vivre

je peux aller me pendre au vestiaire - je sais, mais je ne sais pas faire





samedi 13 septembre 2014

MOINES IN BLACK


selon Laurent Fabius, il est irrespectueux envers l'Islam d'utiliser le terme "État Islamique" - Mélenchon est d'accord

propositions alternatives:

Le Vatican Des Sables? État slave Des Mormons Du Levant? Le Clan Des Inuits Courroucés? (après tout... les Inuits s'en foutent, ils ne vont pas relever, ils creusent leurs trous  dans la glace pour pêcher et ce n'est pas sans relation avec des gens qui creusent des fosses) - le Front Monastique Des Dissidents De Béring? Le Cercle Des Prophètes Énervés? l'Empire Des Cagoules? Moines In Black?

ou, pour traduire plus précisément l'esprit de cette nouvelle entité:

Fédération Des Réformateurs de L'Anatomie ? Confrérie Panorientale Des Vidéos De L'Ultime? Union De L'Étoile Tombale? Ligue Des Vivissecteurs Du Désert? Les Zorros De La Conversion En Kit? Mouvement Pour L'Accession Directe À L'Au-Delà? (MADAD)

just a thought





mercredi 10 septembre 2014

INCOMMUNICABILITÉ


je ne sais pas pourquoi, j'ai publié une photo que j'ai faite pour une campagne sur le thème "I stand with Israel" 

instantanément évaporée 

je fais tout le temps des trucs dans le vide - quand j'ai vu Gravity, j'étais dans ma patrie, entre noir sidéral, étoiles et vertige

de toute façon, je m'en fous - je réalise maintenant au bout d'une vie de perplexité, que dès j'ouvre la bouche, je parle latin

ou précolombien, ou extraterrestre - je vois des zébrures dans les yeux des gens

si j'émettais des pixels ou des ronds de fumée, ou des idéogrammes du XVIe siècle japonais, ou peut être des chiffres binaires, ou trois spirales d'ADN avec des boules clignotantes

...je serais mieux comprise 

alors évidemment, quand on me répond, ça tombe à côté - plouf, crash, flop - j'ai l'impression qu'on me tend des vieux tickets de bus ou des papiers froissés, ou un morceau d'horoscope

et comme tous les gens perdus, je cherche désespérément un traducteur du regard 

mais il n'y a pas un chat, il n'y a pas une ombre, pas un fantôme, pas un archéologue, pas un pilote de vaisseau spatial qui parle ma langue




mardi 9 septembre 2014

DÄMMERUNG


je suis venue, j'ai vu, j'ai tourné, je suis descendue avec une loupe dans tous les enfers connus, j'ai exploré mais tout était familier, j'ai tout reconnu - j'ai émergé sonnée, avec quelque chose comme une étoile sur le nez, je me suis demandé si c'était un genre de larme, si quelqu'un m'avait frôlée mais pas du tout, no way - je me suis relue, j'ai essayé de m'intéresser à ce que je disais, mais je me suis snobbée, je n'avais pas envie de discuter - j'ai fait un tas d'allers et retours, j'ai croisé une foule de reflets dépoitraillés terriblement intimes et soudain j'ai vu quelqu'un de très mince, gracieux, un peu effrayant qui se balançait en rythme sur un rocking-chair et qui riait silencieusement - ça m'a déstabilisée, j'ai cherché mon cactus habituel, il avait dû tomber dans un trou noir, et puis j'ai vu cette mer ancienne toute incrustée de sel qui se rétrécissait dans le désert, minéralisée dans sa collerette et ses diamants comme la première Elisabeth d'Angleterre, un oiseau en deuil volait au-dessus d'elle - j'étais perdue dans une galaxie de temps, il y en avait un qui me talonnait, c'était le Temps de Rentrer, j'ai pris mon élan et j'ai réussi à plonger dans le présent, j'ai atterri ébouriffée, j'ai tenté de dévisager un réveil mais c'était comme dans la Chanson du Mal Aimé: "le regard qu'il me jeta me fit baisser les yeux de honte"

là, j'ai senti que je n'aurais pas droit à une seule vocalise - ni des murènes ni des sirènes