mardi 25 février 2014

CARTHAGE



je suis venue, j'ai vu, il ne se passe rien

si Facebook est un moyen de communication, moi je suis une athlète norvégienne

et si mes 1 virgule 52 contacts sont mes "amis", alors j'entre chez les trappistes

j'écoute tout dans ce média géant - les 1 virgule 52 étrangers, la NASA, la BBC, les magiciens de la Voie Lactée, les artistes, les guerriers, les scandalisés, la planète ...

mais - woe is me - je suis comme un radoteur qui dégoise tout seul dans son coin de bistrot: dès que je l'ouvre, tout monde se réfugie au au comptoir

delenda est

...cette illusion




BLACK HOLES



les trous noirs mangent les étoiles, et happent la lumière comme on gobe un œuf 

hier j'en ai vu un, en plein dans le trottoir

ce qu'il enfermait était vaguement jaune, si trottinant, si calme, si en rond, si tout le temps, si télé, si ronron que je me suis dit que c'était un marginal

c'était comme dans X-Files, la lumière était ailleurs et les étoiles en cavale

et comme je suis fatiguée de toujours parler à un mur,  dans une heure j'effacerai tout - je laisserai juste la photo

à titre de trou noir




 

jeudi 20 février 2014

DYNASTIE



j'ai appris très tôt qu'il fallait marcher légèrement dans l'herbe pour ne pas accidenter un insecte

une mouche peut toujours tourner hystériquement autour de mon scotch - elle n'a pas une chance de se suicider devant moi

j'ai hérité de mon père

il plaquait tout pour courir au secours d'une guêpe naufragée dans un verre de jus d'orange, ardent comme un mousquetaire, armé d'une paille ou d'un coin de mouchoir

on descendait ensemble, la nuit, pour nourrir un rat nerveux qui se terrait dans la cave:

"n'a-t-il pas faim, lui aussi?" lançait mon père à la grille rouillée de la cave, interrogeant à travers elle Abraham, le plafond de la chapelle Sixtine et les galaxies

toute détresse, humaine ou animale le ravageait instantanément - il fallait à tout prix, tout de suite consoler, repêcher, sauver

d'ailleurs, c'est comme ça qu'il s'est ruiné

il était censé gérer un magasin de prêt-à-porter dans une rue fashionable - rien que de très normal pour un violoniste virtuose qui parlait 7 langues et lisait l'araméen comme on survole  un menu

mais derrière la rue élégante, il y avait une petite rue glauque avec des bars bizarres et des prostituées perchées sur une patte comme des flamands

mon père les interviewait une à une dans un tout petit bar qui contenait 3 chaises en chrome, dans l'espoir de les décoller de leur lopin de trottoir 

il les questionnait avec une délicatesse infinie, il discutait passionnément avec elles, chaleureux, éloquent et drôle - le cœur en écharpe devant son coca

...pendant que je faisais des bulles dans mon milk shake et que, dans la belle rue classe derrière le bar, la vendeuse s'endormait sur sa lime à ongles au fond du magasin désert

je devais avoir 4 ou 5 ans quand il m'a expliqué que la lumière voyageait à toute vitesse, pourquoi la tête du Golem frôlait les toits quand il marchait la nuit dans les rues des villes, et ce qui faisait cavaler Caïn au milieu des tempêtes

et, bien sûr, comment Einstein démontait le temps, les super pouvoirs des vers luisants, le cri ébloui d'Archimède, le physique spécial des cyclopes, l'essence de la courtoisie (Messieurs les anglais, tirez les premiers)

le temps était en suspens dans l'air comme une mouette - Beethoven et Mendelssohn s'échevelaient sur le violon, Lamartine se frappait la poitrine au bord de son lac

le microscope révélait des extraterrestres multicolores qui naviguaient dans des plaques de verre - c'était Stargate, la porte noire des étoiles

le temps, les mondes, l'inconnu - tous les univers me palpitaient dessus


mon père a des comptes à me rendre: ça continue





vendredi 7 février 2014

LADIES AND GENTLEMEN...



je me fous d'être mal vue - ce qui d'ailleurs ne risque pas de m'arriver parce que je suis invisible sur Facebook

j'ai essayé de poster l'extraordinaire portrait de François Hollande en couverture du Time - j'étais tellement scandalisée de l'air profond que le photographe lui avait donné que je suis tombée dans le sarcasme:

"ce regard visionnaire, insondable et lointain, cette bouche silencieuse et pensive, ce visage sobrement déterminé de grand leader... "

ça ne m'a pas suffi - il a fallu que je ramène Lamartine qui, comme toujours faisait de la barque sur son lac:

"Ô temps, suspends ton vol... "

j'ai failli coller toute la strophe:

"Ô temps ! suspends ton vol
et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !"

finalement, j'ai posté la photo (inouïe), le sarcasme et un seul soupir de Lamartine

et puis j'ai contemplé cette sortie sur ma page - c'était pathétique 

et, pour moi que la vulgarité laisse sonnée, c'était pire que vulgaire
 
surtout à cause du sujet

et aussi de mon impuissance à réagir avec humour 

...l'humour - ce déchaînement dansant, virtuose et fou, cette aristocratie de l'esprit qui peut fuser à des kilomètres lumière de la vie et de la mort - l'humour me fait battre le cœur

j'ai tout viré 

je n'y peux rien - Hollande me tétanise 

et Facebook me rend imbécile

ce qui fait encore un texte à la poubelle, écrit sur le ventre du temps que je viens de tuer

and that, Ladies and Gentlemen... 

that's it





 
















samedi 1 février 2014

ARCHÉOLOGIE



au début étaient les dîners de Pâques  

pardon pour avoir écrit le mot Pâques, qui peut froisser certaines sensibilités

mais en ce temps-là, c'était Pâques, ou le Seder

les dinosaures venaient de s'éteindre

était sortie de l'écume de la mer une petite cousine fine comme une algue, avec le sens de l'honneur d'un croisé

je flirtais avec le néant

lui et moi, on faisait la fête 

c'était Avant