mardi 31 mars 2015

L'EXIL, HOW IT FEELS


je connais quelqu'un, qui, le matin, se rase avec un cactus
en maltraitant son reflet 
il a beau faire des imitations de normalité, la horde le flaire et le recrache
il baisse le nez, marche arrondi - mais son regard s'échappe, des temples flambent dans son crâne, il a le désespoir indéchiffrable, comme si son âme s'écrivait en sumérien - il cache un sourire fou, intérieur - il a l'humour en vol comme une mouette, constamment évadé de la cage où il tente de l'enfermer 
et qu'il porte comme une clochette de lépreux 

moi, je vis sonnée, frissonnante, terrée comme un SDF dans un porche, au bord des foules, j'ai tout le temps le nez dans les autres mondes, ma mémoire est piégée dans la lumière de la mer, je viens de trop loin, j'ai le temps au cœur, les nerfs épluchés et l'humour hérétique 
mon esprit est un incendie qui ne peut même pas me réchauffer les mains

on est des étrangers 
muets d'émerveillement devant les gens doués qui saisissent leur vie et la risquent, la jouent, la chevauchent, rieurs, ébouriffés - chevaliers inouïs qui portent leurs rêves au poignet comme des faucons et les lâchent en plein ciel 

les autres
tous les autres nous enjambent, voûtés comme des pré-bipèdes, le nez glué dans un iPhone ou un Samsung comme dans une banane - tout boueux et l'œil arriéré de patauger dans les marais sociaux, une bave permanente de Twitter à la bouche
ils sont légitimes 
boum boum, moi clever, toi débris, j'écrase ton espace comme une cacahuète, et dans le fond de moi, quand je cuis dans un bus entre des omoplates, je sanglote pour exister - alors je glousse très haut avec mes semblables et je me fais tatouer

on est régulièrement raflés avec les milliards qui trépignent au fond des zoos et des miroirs
tous, nous tous enfournés en vrac dans l'abattoir quotidien des routines par des espèces de clowns carnivores aux egos ventrus qui, le matin nous pissent des discours sur le crâne, le jour nous bouffent et le soir nous excrètent
et la planète des autres repart au galop

nous
on se retrouve dehors, out, bannis, enfuis, ailleurs
on a froid
mais on conquiert parfois des fous rires de rois




dimanche 29 mars 2015

LES PAPIERS DE TROIE


commentaires
interminablement pondus sur le cadavre des jours, postés dans un hébètement de fatigue, une miette d'esprit flou pendu au mythe d'être entendue - d'apparaître, ne serait-ce qu'une fraction de seconde dans le vivier colossal du web, qui est bondé des tripes de la Terre jusqu'aux spirales noires au-dessus du ciel
commentaires que je vire ensuite en hâte dans une crampe de dérision

parfois
je tourne tellement autour de ma pensée, de mes mots, de l'anglais, du français que je trébuche dans le début de la nuit 
je suis au tapis quand je trace la dernière virgule, interminablement écoutée
le temps en cendres
tellement étourdie que je ne trouve même pas la force de déchirer ce qui reste de mon intelligence et de le jeter comme un bout de papier sous un galop gris, aveugle, féroce de foule crachée par le métro 
comme je ne manque jamais de le faire
mon esprit supplie pour vomir
je ne publie pas 

après 
je me réfugie dans Troie en ruines, et je tombe assise au milieu des os du cheval d'Ulysse 




TROIE : LIGNES ENVOLÉES


commentaires
interminablement pondus sur le cadavre des jours, postés dans un hébètement de fatigue, une miette d'esprit flou pendu au mythe d'être entendue - d'apparaître, ne serait-ce qu'une fraction de seconde dans le vivier colossal du web, qui est bondé des tripes de la Terre jusqu'aux spirales noires au-dessus du ciel
commentaires que je vire ensuite en hâte dans une crampe de dérision

about YEHUDA AVNER
page de Caroline Glick - publication disparue, emportant le sillage de ma voix, que je n'ai plus à effacer 

"In a sense, the essence of all of Judaism is the capacity of a people to live with the unknown. People who have a measure of certainty about their future assuredly will find this rather hard to understand. But when you think about it, the entire venture of Israel has been achieved only by jumping into the unknown."
Ambassador Yehuda Avner
The Times of Israel, March 26 - Mickaël Dickson's blog ("Feeling weary about Israel?")
I read this and loved it
I have always had a haunting feeling that Jews, so often multilingual, had a home and a home language connected with the unknown  - to me, Jews are... des survivants de l'impossible, and have been for thousands of years
not such a lonely or wishful or wistful way of thinking, after all


JOANN SFAR 
Drawing conclusions: Joann Sfar and the Jews of France  - The Jewish Review of Books

passionnant
..." a Scheherazade with pen and brush"
...doublé d'un dancing talmudist (so sorry), d'un des mariés volants de Chagall, d'un violoniste entre étoiles et antennes wifi, d'un traducteur de fantômes, d'un insolent posé sur les pages comme un papillon - à tord ou à bavardage, je perçois tellement de fréquences que je pourrais en pondre une page 

pour moi, quitte à être hérétique, il y a une correspondance avec l'extraordinaire, tendre, irrésistible liberté d'Isaac Bashevis Singer, (je ne sais plus dans quelle short story, un soir en Israël, il a dû se réfugier en caleçon sur une terrasse nocturne - le temps que sa maîtresse improvisée affronte un amant qui venait de faire irruption dans la situation - frissonnant et extrêmement perplexe, il s'est lancé dans une conversation passionnée avec l'Éternel et un cafard en ascension le long d'un mur - avec lequel il a été bouleversé de se découvrir un lien de parenté)

I know, I f***g talk too much
 

CAROLINE GLICK 
Managing Obama's war against Israel

...celui-là, j'étais au tapis quand je l'ai terminé - le temps en cendres et tellement étourdie que je n'ai même pas trouvé la force de déchirer ce qui restait de mon intelligence et de le jeter comme un bout de papier sous un galop gris, aveugle, féroce de foule vomie par le métro 
comme je ne manque jamais de le faire

SUPERNOVA
Obama has been lording it over all the nations of the world for 6 years now - bestowing his vocabulary and dazzling smiles upon the blessed of the Earth
only Israel has been permanently excluded from his clemency
and yet
in 2008 and 2012, on the eve of each Election Day, he has knelt at the feet of AIPAC, sobbing with love for Israel, a love instantly turned into polar frigidity about 2 minutes after his accession to to the throne
something like 48 hours of unchecked adoration and 76 months of ominous distaste 

it seems to me that the danger for Israel lies mostly in the hatred of a remarkably mediocre man - who nevertheless managed his way to his throne on top of the planet: great salesmanship
...in the consuming hate of such a man for the brilliant leader of a tiny country, rooted on the map against all odds 
for no matter what else he is, or may be, Netanyahu has a vision, guts and an indestructible international dimension 

how can the U.S. divorce Israel? for all Obama's fuming bans and manoeuvres, for all his gluttony for revenge - a dish now best savoured at the UN - it seems to me that there is a link between the U.S. and Israel which even Obama, enthroned as he is on half a continent, cannot sever
and - I don't know - it somehow looks as if Obama's giant ego is well on the way to going supernova 



après 
je me suis réfugiée dans Troie en ruines, et assise au milieu des os du cheval d'Ulysse 






jeudi 19 mars 2015

JIHADI JOHN


   Verlaine, qui était en taule pour avoir agressé Rimbaud, regardait mélancoliquement par la fenêtre de sa cellule
   il remarquait que le ciel était si bleu si calme et que la vie était là, simple et tranquille

   ce n'est pas mon cas
je trouve la vie incompréhensible - et le ciel pollué

   je ne comprends absolument pas que personne ne comprenne - entre autres - l'attraction du Jihad et qu'on se perde en conjectures sur des kilomètres de télé 

   enfin...
entre traîner devant des HLMs de banlieue, pointer en bâillant à Pôle Emploi, bouffer du shit payé avec un sac arraché de vieille dame, rôder au crépuscule à la recherche d'une voiture à cramer ou d'un ado à terroriser - et n'être personne jamais, nobody, no one, nulle part

   entre étouffer de rage et de frustration, vociférer dans le vide, traîner perpétuellement avec son gang de nuls dans la périphérie de la vie, en attendant la prochaine manif, peu importe le prétexte, pour se cagouler - comme ces bourreaux excitants du Jihad qui ont le pouvoir de vie et de mort sur des êtres humains civilisés (ceux-là mêmes qui osent vivre quand les autres se font chier)

   pour arborer une écharpe à carreaux noirs et blancs en l'honneur du Hamas qui, lui, sait foutre le feu au ciel et défoncer des vies (mort à ces salopards de n'importe qui et de juifs pour commencer)

   et une fois équipé, se défouler en massacrant des vitrines, en pillant tout sur son passage et - oh, joie si rare dans une vie si terne - en se flambant un flic ou deux au cocktail Molotov

   et puis... retomber dans le gris des jours, les horizons morts, les quartiers moches, deux ou trois rapines, les imprécations de routine, la brûlure de la rage, l'insignifiance - le vertige de n'être personne 

   entre ça
et débarquer en gladiateur, avec un nouveau Dieu dans sa poche, dans un jeu vidéo géant
   vivre le couteau à la main comme un Dark Vador sous le drapeau noir qui terrorise la planète  

   et appartenir - être membre d'un clan lié par le noir et le sang, faire partie d'un groupe magique qui vous informe que vous n'êtes plus le minable en fin de droits de Pôle Emploi mais un guerrier de Dieu recruté par Dieu lui-même

   avec licence, liberté, encouragement, reconnaissance, applaudissements, récompense de chaque meurtre (là où on se ferait mettre en garde à vue, traiter comme une ordure et fourrer en cage pour des dizaines d'années en France)

   et assassiner jusqu'à plus soif, massacrer à la chaîne, égorger devant des caméras comme une star de Hollywood, sentir dans la paume de sa main le désespoir et la terreur de sa victime, savourer  la vie qui coule sous son couteau et le goût de la mort

   on peut toujours écumer les coins les plus pourris dans sa banlieue natale pour trouver le centième, le millième d'un tel magistral shoot d'adrénaline

   tueries. carnage, jeux de quilles humains, selfies devant les fosses communes, viols à volonté - pas de pétasses qui la ramènent, mais des esclaves à peine pubères qu'on peut embrocher jusqu'aux sourcils, rosser ou mutiler selon son bon plaisir

   être enfin - impérialement
exister par la mort des autres, par la souffrance infligée, par la distribution de l'horreur
   guerroyer, comme au Moyen Âge, s'enivrer de jouer sa vie et s'empiffrer de meurtres 

   quand on n'est pas capable de vivre, on peut toujours tuer - il suffit que quelqu'un vous vende un prétexte

   alors... analyser à perte de vue les raisons qui poussent des jeunes gens à s'enrôler dans le Jihad - autant débattre non-stop à l'heure des infos des raisons pour lesquelles il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade

   au lieu de se demander interminablement pour quels motifs un "jeune" peut préférer être terrifiant, barbu et plein de sang, avec un Dieu dans son camp que vague, traînard, fauché, bâillant et insignifiant dans le no future de son quartier

   alors oui - le ciel est par-dessus le toit, si cool, si sanglant

   et le silence long des morts
et le bavardage infernal des vivants
blessent mon cœur
d'une stupéfaction monotone